La merveilleuse aventure du verdâtre bougon

Tout commença un beau et froid matin dans la pénombre des sous-bois d'une forêt lugubre de Norsca. Shlagrabak, un gobelin à l'hygiène douteuse, la main baladeuse et la verrue hideuse, s'apprêtait à quitter sa délabrée maisonnette en compagnie de sa fidèle mais non moins fétide Arakeniesh, une ratte sanguinaire dont il avait tant bien que mal finit par gagner la sympathie.
La bestiole, l'aspect quelque peu glabre relativement au standard de son espèce, s'apprêtait nerveusement à ouvrir la marche, furetant, couinant, reniflant mais surtout puant, tantôt d'un côté et de l'autre, s'immobilisant de temps à autre pour humer l'air ou tendre l'oreille.

« Aïe ! Saleté de tabouret ! Et en plus c'est toujours le même doigt de pied ! » s'écria Shlagrabak qui tournait sur lui-même à cloche pied et grimaçant, son autre panard dans les mains. Il accrocha alors sa tenue par mégarde sur un vieux clou rouillé mal enfoncé dans le mur, trébucha sur le pas de la porte et se retrouva les quatre fers en l'air à l'entrée de sa demeure. Il se remit debout en s'appuyant sur la vieille racine qui lui servait de bâton, bougonnant :

« Ah il était vraiment temps que j'm'en aille ! Cette vieille baraque ne me cause que des ennuis, jour et nuit, ça me déconfit ! 'Toute manière avec tous ces courants d'air je ne dormirais guerre pire à terre sous un arbre au milieu d'un nid de scalaires … Aaah, je ne vois vraiment pas comment j'ai pu m'y complaire ! »

Il eut l'air songeur un instant et reprit alors avec comme une pointe d'inquiétude :

« Hum, je n'ai plus de lotion pour mes pieds, et ce kyste me donne la nausée ! Ah la vieillesse, ça me blesse, quelle hardiesse, vous savez ! » 

Il faillit bien se répondre, " A qui le dîtes-vous ... ", mais se ravisa en réalisant tout à coup qu'il entamait un monologue. Il se racla la gorge, ramassa les quelques babioles qu'il avait laissé tomber durant sa chute et se mit en route vers l'orée du bois. La route était longue et il lui faudrait sans doute plusieurs jours pour sortir du trou perdu sans atours dans lequel il avait élu domicile. De plus, il avait prévu de faire quelques détours dans des endroits familiers pour se réapprovisionner en ingrédients d'apothicaire, composantes de sortilèges et autre nécessaire pour superstitions plus ou moins macabres.
Quelques pousses de mauvaises herbes, des champignons malodorants, et avec un peu de chance un crapaud verruqueux ou une charogne fraîche dont il pourrait conserver quelques mèches, ou autres, dans de l'huile. Il avait également espoir de croiser tôt ou tard un animal affaibli, vieux ou malade selon lui, dont il pourrait grossièrement récupérer la graisse avec son poignard à la lame émoussée et rouillée afin de s'en servir pour créer onguents et autres médicaments dégoûtants pour conserver les principes actifs de ses concoctions, hélas bien souvent aussi à effets laxatifs.

Ainsi s'en fut-il l'air hagard, l’œil vicelard et boitant du panard, vers un nouveau chemin peu arpenté, celui de sa destinée. Sans idée des dangers auxquels il serait confronté, ni de la durée de son odyssée, il était fort bien déterminé à compléter sa collection de recettes de potions et l'étendue de sortilèges impromptus connus de son esprit farfelu.

Laissez-nous donc vous conter l'histoire de Shlagrabak, le chamane gobelin aux mille et un petits maléfices ...

Shlagrabak clopinait depuis quelques jours, et déjà il regrettait son séjour. Il n'avançait que le jour, redoutant les mauvais tours que pourrait lui jouer cette forêt ensorcelée. Evitant les humains et leurs manières de bourrins, il s'égara sur les chemins entre ronces et sapins. Maudissant sa lubie l'ayant fait quitter son chez lui, notre ami gobelin chemina vers le Nord. Le Sud, il en venait et son lot de mauvais souvenirs pouvait bien y rester. A l'Ouest il ne sait pas ce qui l'attendait, mais à l'Est d'ici se trouvent les hommes et leurs petits amis, des nains avides de gobelins pour en faire du pain. "Bande de bourreaux" maugréa Shlagrabak. Il était à présent bien plus au Nord qu'il ne l'avait jamais été. Le chaman avait entendu parler des horreurs qui y vivaient mais il avait aussi prétendu de ne pas y croire. Il est vrai qu'à ce moment là, il était l'apprenti sorcier de sa tribu, et fanfaronner ne coutait pas grand chose. Confronté à la réalité, c'était une autre paire de chausses. Ca et là, des fleurs poussaient, mais d'un modèle inconnu du gobelin, pourtant féru de botanique, de même que pour les champignons, d'un joli mauve luisant. Excité comme un jeune gobi devant le poteau de torture avant l'écorchage annuel traditionnel, Shlagrabak sortit son matériel nécessaire à la cueillette. Le crépuscule n'allait pas tarder, il lui restait une bonne heure avant que la nuit ne tombe, et il comptait bien en profiter. Au moment où il réussissait à calmer sa sciatique et à se pencher pour prélever quelques échantillons, sa ratte Arakeniesh se mit à tourner en rond poussant de petits cris aigus.

{Jet de détection et de perception auditive}

[HRP : J'adore le ton sur lequel tu as répondu !]

Shlagrabak était alors piqué d'une curiosité à en faire relever sa mémé d'entre les trépassés. Une minute, il ne se souvenait pas d'avoir une mémé pourtant ... Tant pis ! Bref, tant et si bien absorbé devant autant de nouveauté, il en oubliait le temps, le froid, le pourquoi de son émoi, les petits pois cuisinés au dernier repas, la ratte qui lui annonçait sa mort prochaine s'il ne bougeait pas ... Quoi ?!? Clash !! La queue glabre de celle-là venait de le fouetter accidentellement pendant l'une des rotations erratiques, expression et manifestation de l'agitation grandissante.

« Heuuurin ? » fit gracieusement le gobelin de sa voix déraillée.

Shlagrabak sursauta au moins deux fois, l'une lorsque l'alerta son alter anima Arakeniesh, l'autre, de surcroît, lorsque d'un pas maladroit il trébucha sur un de ces phalloïdes fuchsia. Encore des hémorroïdes dans les prochains jours, semblait-il. Il se releva précipitamment, la paranoïa le gagnant peu à peu, ses pupilles se dilataient, sa respiration s'accélérait, de la sueur froide il suintait, son derrière le démangeait ; bref, la panique. Il regardait à gauche, puis à droite, puis en bas, oh sa ceinture était défaite, puis en haut, puis à droite ... Il espérait bien qu'Arakeniesh pourrait l'avertir du danger avant qu'il se soit sur lui, après tout elle était un peu ses yeux, ses oreilles et son nez. Ses genoux cagneux cognant l'un contre l'autre se mirent à jouer des castagnettes et il s'écria, peut-être pour se convaincre lui-même de ne pas succomber à son mal-être :

« Enfer de clairière et batracien du malin ! Qui se cache donc dans ces fourrés verts clairs ou derrière ce sapin brun ? Je vous préviens, Shlagrabak est un puissant magicien et il ne compte pas se laisser faire, vous aurez affaire à mes sortilèges délétères et ma légendaire poudre anti-vilains ! Rassemblez vos bouseux compères et déguerpissez ou je vous change en ragondin ! »

Il brandissait sa canne de marche vers l'avant, ses yeux injectés de sang et se coin de sa bouche bavant, ses innombrables et mystérieux gris-gris ballottés par un léger coup de vent à ce moment. Il était alors surement assez effrayant pour faire s'enfuir un lièvre, pensa-t-il. Mais un gros lièvre quand même. Shlagrabak était alors prêt, prêt à lancer un sortilège rapide, lancer un objet quelconque pour retarder son assaillant éventuel, et à s'enfuir en courant ; il avait bien examiné les alentours.

{Détection : 12 + 3 = 15
Perception auditive : 17 + 3 =20
Bluff = 3 + 3 = 6, si besoin}

[ HRP : Merci, pas de quoi]

Sa respiration hachée par l'adrénaline, ou bien peut être par la peur, le sang plein de toxine et le dos en sueur, Shlagrabak écouta et attendit une réaction suivant son défi. Un fourbe zéphyr fit bouger les fourrés sur sa droite, en même temps qu'il apportait des fumets de peur et de panique qui n'étaient pas les siens. Ils étaient, si la chose était possible, plus forts, plus gros, bref plus peureux que les siens. Curieux quand à cette idée qu'il existait quelque chose de plus peureux que lui sur ce monde (les lapins adolescents peut être?), il discerna ensuite un bruit de cavalcade, d'au moins trois chevaux.

Quoi, des chevaux ici? s'étonna notre gobelin, lui qui avait choisit cette forêt pourrie dans ces contrées perdues justement parce qu'il n'y avait personne, il tombe sur une chevauchée, et endiablée qui plus est ! En soi, ce n'est pas grave, mais ce qui préoccupait le chaman et lui titillait la corde de la survie élémentaire, c'est qu'elle se rapprochait de lui, ou venait dans sa direction, ce qui, pour sa paranoïa revenait au même, et que les autochtones n'étaient pas réputés pour leur sens de l'hospitalité, quand ils daignaient descendre dans les contrées "civilisées" (parlez en aux nains). Pour ce que Shlagrabak en savait, il y avait dans ces bois des monstres difformes et un peu plus au Nord des créatures d'airain et de fer qu'il valait mieux ne pas croiser. Toutes ces pensées se bousculaient dans sa tête, puis l'une d'elle vint sur le devant de la scène à grands coups d'épaules : il avait crié en défiant des fougères, les avait menacé de mort et autre calamités, mais outre que ce soit ridicule, n'avait il pas dévoilé sa position aux cavaliers? Suant de peur, tremblant de frousse à cette idée, il se raccrocha à cette rassurante idée : la forêt est grande et de toute façon ce ne sont que des chevaux sauvages hein?

L'être verdâtre et acariâtre qu'était Shlagrabak frissonna de dégoût derrière le tronc d'acajou, euh non de sapin, après avoir vu apparaître de derrière les hêtres, peut-être en était-ce en tout cas, cet infâme être. Il n'aimait pas les chèvres, et encore moins les boucs, mais un plouc contre-nature de cette taille-là, cela dépassait l'entendement du mauvais goût à en donner la fièvre. Et quelle senteur putréfiée devait-il dégager le matin au lever, se dit-il. D'un point de vue extérieur, il fallait bien admettre que Shlagrabak n'aimait rien ni personne, il détestait le monde de tout coeur !

Il jeta à nouveau un oeil et assista à cette scène cocasse de la cachette sordide et sans cachet choisie de la charmante créature. Shlagrabak était complètement déboussolé, et ne comprenait comment ce satyre sans lyre et sans machette pouvait bien trouver pire couchette que cette imparfaite, et pas même surfaite, presque-banquette. C'est à ce moment que d'autres silhouettes sans jupettes mais plutôt du style à la baïonnette surgirent à leur tour, dans une entrée sans trompettes. "C'est le festival des mochetés ma parole !", pensa-t-il. Et malgré tout, aucune visite inopportune ne semblait lui être destinée en ce début de soirée, bientôt illuminé par une pleine lune. Complète lacune pour ce compagnon d'infortune. Cela le vexait profondément : comment pouvait-il bien sérieusement y avoir quelqu'un, franchement, ou quelque chose, non mais vraiment, dans le monde de plus intéressant que lui ? Le sang se mettait à bouillir dans ses veines.

Le chamane n'aimait pas les chasseurs, et la familiarité du comportement du satyre, bien que celui-ci fut un abruti de première catégorie à son avis, l'incitait à tenir en échec l'étape finale de la traque. Après tout, qui se donnait le droit de pénétrer dans SA forêt lugubre, et néanmoins insalubre, quand ce n'était même pas pour le voir ? Plaçant donc temporairement sa peur en torpeur, il se munit l'un de ses bâtonnets fumigène d'une de ses sacoches, car de malice elles étaient pleines, et s'apprêtait à en allumer la mèche au moyen d'un petit ustensile que les humains appelaient stupidement, comme toujours, un allume-feu. Et il allait attendre le moment propice pour le lancer, c'était là tout le vice : juste lorsque l'un d'eux s'apprêterait à porter sa frappe destructrice. Les cavaliers prêts à la lice seraient alors pris avec leur monture, tous les six, dans un nuage de fumée l'espace de quelques secondes, il faudrait alors que la créature saisisse d'office ce pain bénit à moins bien sûr qu'elle ne glisse dans quelque lisse marre de ... je m'égare. Et ils seraient alors fous de rage ! Ou au moins ils auraient mal aux yeux, ha ! Ce serait déjà affreux ça, mon vieux ... Shlagrabak se rappelait de la fois où une poussière dans l'oeil lui était restée pendant une semaine et c'était à la suite de cela qu'il avait eu cette infection douloureuse qui lui avait décoloré l'iris. C'est triste, toutefois il faut dire que son hygiène habituelle ne l'avait pas beaucoup aidé.

{Jet d'attaque pour toucher le sol devant les cavaliers avec le bâtonnet (CA 10 si jamais tu suis les conditions standards des objets inanimés à distance) : 1 + 3 = 4. Je pense que ça va être drôle}

Ses doigts déjà peu agiles rendus fébriles par un lancer s'annonçant difficile, notre ami gobelin réussi néanmoins à allumer boute feu et bâton, mais il s'en fallut de eu qu'il ne tomba dans ses jupons. Arakeniesh, excitée par cette flamèche, se terrait à ses pieds, attendant on ne sait quoi de suspect. Avisant le plus proche des chasseurs, Shlagrabak affronta sa peur et comme un diable hors de sa poche, il surgit hors de son couvert pour lancer son fumigène allumé sur ces vilains hères.

Ecoutez bien, car ici les choses se corsent. Voyant dans ce lancer aérien une réminiscence des jeux anciens qu'elle pratiquait avec le gobelin avant qu'il n'arpente les chemins, Arakeniesh fila à travers jambes et fourrés vers le projectile que d'un saut agile elle attrapa puis ramena, fière et docile, vers son propriétaire verdâtre.
L'action fut si rapide, la ratte si avide de se voir récompensée de sa vivacité que le bâton explosa, non pas au milieux des affreux montés, mais sous le nez du sorcier boutonneux.

Fumée, toux et jurons en cascade, voilà tout ce que je peux dire à ce stade.

Quand ses yeux cessèrent de se prendre pour des fontaines, Shlagrabak put voir avec peine les cavaliers calmer leurs montures et l'homme bête en lutte avec l'un deux, tentant de le désarçonner.

Shlagrabak un poumon cracha, les yeux s'irrita, les larmes versa, la gorge se racla puis un épais glaviot gicla.

« Euheuh euheuh euheuh ! Boueuheuarg ! Reuk-puh ! » fit-il en crachant un nouveau mollard avant de continuer : « Mille milliard de verrues cornues ! Boueuheuheuh ! Ah le poireau purulent et poilu de ma pourriture de progénitrice pimbêche au palais prognathe me punisse pour avoir appris à cette ratte puante à rapporter le pal ! Je te hais saleté de rongeur ! Je vous hais tous ! »

Après le double échec du lancer raté et d'être resté malgré tout en entier ignoré, Shlagrabak écumait de rage, enfin, de rage, de bave et de larmes pour être précis. Tant et si bien qu'il décida d'employer les grands moyens : il était temps d'user d'un de ses maléfices de grand vice : ainsi sortit-il un minable calice de ses sacoches à malice qu'il remplit d'une gourde d'eau glaciale couleur pisse. Il releva ses manches, oscilla de ses hanches et se mit à agiter l'objet en l'air, tanguant tantôt tenu sur une jambe, tantôt sur l'autre sur l'air de sa formule magique délétère.

« Boumbagrada, oungagrana, jounagrada ! Le froid du fond des mers de Norsca tu connaîtras ! »

Et sur ces mots, focalisant dur son sort sur une des deux raclures qui tentait de maîtriser sa monture, le gobelin le liquide renversa sur la terre à ses pieds bien peu pourvue de verdure. Il s'agissait d'un machiavélique enchantement qui provoquait l'engelure, ou plutôt le gel de la sueur de sa victime, un des préférés de Shlagrabak car il provoquait douleurs atroces et blessures cutanées qui, à défaut de tuer, grandement diminuaient la beauté.
Une fois cela fait il empoigna de sa main griffue le cou de l'animal bossu qui l'accompagnait pour pouvoir au moment venu le lâcher sur un adversaire qui aurait l'idée, non pas saugrenue mais couillue, de venir tâter des dents pointues de la bête si peu poilue.



{Sort Froid Rampant (Codex Divin) :
Transmutation [froid]
Dru 2
Composantes : V,G,F
Temps d'incantation : 1 action simple
Portée : courte (7,50 m + 1,50 m/2 niveaux) = 10,5 m pour Shlagrabak
Durée : 3 rounds
Jet de sauvegarde : Vigueur, demi-dégâts (DD 15 pour Shlagrabak)
Résistance à la magie : oui

Ce sort transforme la sueur du sujet en glace, créant ainsi des cloques sous et sur la peau. Le sort inflige 1d6 points de dégâts de froid cumulatifs par round (1d6 au 1er round, 2d6 au 2e round et 3d6 au 3e round). Les victimes n'ont droit qu'à un seul jet de sauvegarde. En cas de réussite, les dégâts sont réduits de moitié à chaque round.
Focaliseur : un petit verre ou bol en terre d'une valeur minimum de 25 po et rempli de glace, de neige ou d'eau.}

La douleur au visage se fit intense lorsque le maraudeur de sa lance frappa sans présage. Le sang contaminé de notre espèce de sorcier sur sa joue s'écoula de sa plaie magenta.

« Ah ! Ma chair, ma joue ! Des beignes et des châtaignes, et à genoux dans la gadoue, j'en ai le goût, mais là je saigne ! Non ! Teigne de musaraigne, pourquoi de défendre ma vie tu ne daignes ? Ah ? »

Le danger annoncé d'un fer bien aiguisé qui allait s'en retourner, son cœur se serra et la terreur de nouveau le gagna. Une solution vite, il en était question ! La résolution dite, ou plutôt dans son esprit inscrite, notre ermite pensa, je cite, qu'il fallait s'ôter le balai de la raie et fissa s'il vous plaît, ou cette plaie de ses soucis serait le cadet ! Pour ce prochain méfait qu'était la fuite de ce guêpier tristement généré, un miel particulier, non sans de fiel inspiré, semblait indiqué. Il ne s'agissait pas d'abeilles, mais plutôt que ce que lui murmurait son oreille : le flot sourd et flou d'un tympan noyé de sang du tout au tout, un brouillard qui ne laissait distinguer ni pillards braillard ni gobelin hagard. C'était par ce hasard que ses panards pouvaient encore se trouver un plumard sans finir dans le cauchemar de ses organes étalés par un étalon sur plusieurs hectares durant ce soir.

Ainsi, de nouveau, il se servit de sa magie pour espérer rester en vie, et récita les mots suivants dans une certaine hystérie :

« Barbalougique purtansa ! Bégonias et purée de pois, j'invoque le frimas des hautes mesas ! »

Il espérait que le brouillard épais qu'il générait pourrait le dissimuler assez pour éconduire la charge des montures dans quelque mur de verdure, ou avec de la chance un tronc, ou même les effrayer, qui sait ? Il se rassembla ensuite et commença à prendre la poudre d'escampette, estimant qui avait assez mis en danger comme cela ses coucougnettes. Ce dont il n'avait pas conscience, c'est que trompé lui même par son oeuvre qui limitait également ses sens, il se dirigeait droit vers le combat du satyre, ce goujat, dans une bien funeste manœuvre.


{Sort Brume de dissimulation (Manuel des Joueurs)
Invocation (création)
Niveau : Air 1, Dru 1, Eau 1, Ens/Mag 1, Prê 1
Composantes : V, G
Temps d’incantation : 1 action simple
Portée : 6 m
Effet : brouillard centré sur le jeteur de sorts et s’étendant sur 6 m de rayon et de haut
Durée : 1 minute/niveau
Jet de sauvegarde : aucun
Résistance à la magie : non
D’épaisses volutes de brume s’élèvent autour du personnage à la fin de l’incantation. Une fois constituée, la nappe reste stationnaire. Elle limite le champ de vision (y compris la vision dans le noir) à 1,50 mètre. En cas de combat, les créatures se trouvant à 1,50 mètre ou moins bénéficient d’un camouflage (20 % de chances que les attaques les ratent). Au-delà, le camouflage devient total (50 % de chances que les attaques les ratent, et leurs adversaires ne peuvent pas les repérer à vue).
Un vent modéré (plus de 15 km/h), comme celui généré par bourrasque, disperse la nappe en 4 rounds. En cas de vent important (plus de 30 km/h), elle est dispersée en 1 round. Un sort tel que boule de feu ou colonne de feu fait disparaître la brume dans sa zone d’effet. Mur de feu la disperse dans toute la zone où il inflige des dégâts. Ce sort ne fonctionne pas sous l’eau.}

Le gobelin se rendit vite compte et ce à sa plus grande honte qu'en fuyant son assaillant il allait en fait au devant d'un autre combat plus brutal, entre deux cavalier et un homme bestial. La mêlée était confuse, plus qu'au siège de Syracuse, mais dans cette escarmouche violente une seule équipe remontait la pente.

L'homme bête muni de sa lance semblait être en pleine transe et ses agresseurs n'aimaient guère la danse imposée par ces attaques à outrance. Du moins telle était la situation lorsque Shlagrabak fit irruption tenant dans ses bras une Arakeniesh en pleine suffocation à cause de la précédente explosion. Sa diversion donc permit à l'abomination d'achever le désarçonné et de transpercer le second cavalier, passant sa vouge par l'encolure de la monture, la tuant sur le coup.

Poussant un beuglement de victoire, le monstre se rendit compte qu'un épais brouillard l'enveloppait, et qu'à ses pieds un gobelin couard couinait. Après un bref regard où se cachait si ce n'est de l'espoir, au moins une parcelle de mémoire, l'homme bête prit le shaman plein de fioles par le col et le mis sur son épaule, position que certains qualifieraient de drôle. Ce n'est pas le cas de Shlagrabak, malmené comme un vulgaire sac et porté contre son gré vers un endroit où il ne veut pas aller. Cela dit, tout bien pesé pensa le verdâtre rusé, je l'ai aidé et sauvé la vie, tâchons d'en profi ... HE !!

L'homme bête courait à travers broussailles et fourrés, se souciant peu de son vivant paquet qui à chaque branche fouettée regrettait d'avoir un si long nez. Enfin au bout de quelques minutes de course effrénée, la créature s'arrêta et déposa le shaman. Pas essoufflé par sa longue chevauchée, il prit la parole. QUOI? Ce truc sait parler? Pour un gobelin en mal d'aventure, le voilà servit. Bon, mais qu'est ce qu'il dit? Il faisait de grands signes avec les bras, montrant des directions, se montrant lui, puis désignant son interlocuteur gobi, puis la direction d'où ils venaient. Cette créature avait raté sa vocation, plutôt que minotaure, c'était un sémaphore ! Et tout ça sous des borborygmes gutturaux essayant de se faire passer pour des mots.

Et c'est ainsi, dans une forêt sombre et moisie que notre gobelin et son nouveau copain prirent un chemin qui les conduira vers d'étranges et splendides contrées peuplées de créatures enchantées. Mais n'anticipons pas trop car aucun complot, fut il conçu par les créatures que même les dieux craignent, ne survit longtemps au contact de l'aventure.

Or donc, telle la vierge face à l'homme singe, Shlagrabak se présentait, tout en malice et en bubons sur le nez. L'homme bête sembla comprendre car il posa une main sur sa puissante poitrine et éructa Snorg'Hor Ekt' Inkshiek. Il leva ensuite les mains au ciel et prononça Tzeentch, tout en désignant une marque, apparemment faite au fer rouge, représentant un croissant de lune, dont l'une des extrémités se changeait en flamme, entourant un œil stylisé. Le shaman n'avait jamais vu ce symbole auparavant, mais certaines légendes couraient sur les habitants du Nord, guerriers maudits surpuissants ayant abandonnés leurs âmes à de sombres divinités, matérialisations de la peur, des rêves et des désirs de toutes les créatures pensantes du monde, mais cela restait des légendes.

Les présentations achevées, la créature commença à marcher à travers les sous bois, ses lourds sabots ne dérangeant pas le silence qui suit le crépuscule. La nuit venait de tomber, mais la faible luminosité des étoiles ne semblait pas le gêner, et il se déplaçait à vive allure, obligeant Shlagrabak à relever sa robe et exposer ses maigres mollets pour pouvoir le suivre. Cette allure déplaisait fort au gobelin, qui se sentait ridicule et souffrait par ailleurs de quelques douleurs articulaires, probablement une conséquence de l'humidité de ses anciens gîtes.

Au bout d'une trentaine de minutes de marche, forcée ou non selon le point de vue, l'homme bête ralentit fortement l'allure et incita le gobelin à en faire autant, ainsi qu'à baisser le ton de ses jérémiades. Essoufflé par cette nocturne déambulation, le shaman prêta attention à ce qui l'entourait. Ses oreilles aiguisées et son nez hypertrophié lui apprirent qu'il n'étaient pas loin d'un campement, mais que ses occupants devaient être en piteux état, car aucun bruit ne sourdait mais une puissante odeur de charogne lui titillait les narines. Interrompant ces aventures olfactives, son compagnon le poussa du coude et lui montra trois doigts d'une main et un de l'autre, puis indiqua une direction que Shlagrabak s'empressa de suivre. Au milieu des sapins et autres conifères, à une trentaine de mètres de leur repaire, il put distinguer trois silhouettes, et en forçant un peu sa vue défaillante, aidé par son lien télépathique avec Arakeniesh, il discerna les bordures d'un campement, ou une espèce de lézard géant bipède et massif d'environ 2m au garrot paissait. Son armure pectorale et sa selle indiquaient qu'il recevait d'habitude un cavalier, mais à moins qu'il ne s'agisse des trois individus, il n'était pas visible.

Gor Snorg'Hor Ekt' Inkshiek akewi, lui chuchota son compagnon, Kt'e iwnos Tzeentch gutna vrikt.

Il désignait la direction du campement, et faisait de légers mouvements avec la lance qu'il n'avait pas lâchée depuis leur précédent combat.

Shlagrabak ne savait rien du dieu corbeau, mais il comprit qu'il s'agissait de culte au lever des bras vers le haut, et étant donné la marque au fer rouge et l'adorateur, sûrement pas un beau. Il eut beau grogner, protester, jurer, tempêter contre la vive allure de l'individu à la solide carrure, mais peine perdue, c'était sûr.
Essoufflé, écorché, épuisé, il avait finit par se résigner à ne pas seul rester, en arrière dans une clairière, aussi avec Arakeniesh pour suivre le satyre ils se hâtèrent. Arrivés dans le campement mortifié, la curiosité piquait le nez de notre ami qui en oubliait sa marche effrénée. Chair putréfiée, une odeur connue et même parfois révérée en position d'affamé ou de frigorifié. Shlagrabak huma une fois de plus l'air vicié pour d'avantage l'apprécier, car en effet parfois il se délectait à identifier le détail de quelques effluves nécrosées, et à force d'essayer, quelque expérience il en avait tiré.

Soudain, son esprit très torturé fut tristement tiré de sa torpeur tranquille par un satyre terre à terre tiraillé par la trace des trois voyageurs. En qualité de gobelin, le regard de Shlagrabak perçait dans le noir, aussi bien que sa myopie le laissait voir, du moins. Également sans couleur, d'ailleurs. Il chercha en premier lieu à regarder un peu mieux les trois individus mystérieux, et d'un geste visible fort peu, incita le rat aussi à utiliser ses yeux.

Indécis, il se tourna ensuite vers Snorg'hor, et lui mima ainsi un combat à bras le corps, signifiant le ton d'une question à l'aide d'un sourcil levé et d'une expression subtile tout sauf décidée.

{Shlagrabak :
Détection : 9 + 3 = 12

Arakeniesh :
Détection : 14 + 4 = 18}

Le gobelin, malin, pour parler trop tôt ne point, avec cette ratte plus grosse d'un chien usa de son magique lien, pour lui indiquer d'attaquer un de ces vils faquins. Celle-ci donc, dans la pénombre tapie, s'élança tout crocs dehors vers le plus proche des bandits dans un composite cri, mélange d'un couinement strident de souris et d'un grognement rauque digne de bien plus gros gabarit.

Shlagrabak, pas si téméraire, décida de couvrir ses arrières un peu avant de s'occuper de ses adversaires. Il avait dans son répertoire un sort sournois qui protégeait son lanceur d'une sorte d'armure qu'on ne voyait pas, et qui ne l'entravait nullement pour autant. De ses innombrables babioles il extirpa un vieux morceau de cuir tout ridé et endommagé, avant de chuchoter :

« Syrpidossi ekmir golgus. Que toute secousse à travers cette peau qui pousse devienne caresse douce comme la mousse, car il est fini le temps de la frousse. »

Satisfait de la malhonnêteté du sortilège masqué, il se décida à observer mieux les trois guerriers tout en faisant un pas hors des buissons pour s'en rapprocher. En particulier, il essayait de remarquer une certaine spécularité des protections qu'ils portaient, ce qui en d'autre termes signifierait qu'ils étaient équipés d'armures métalliques.

{Sort : Armure de mage
Invocation (création) [force]
Niveau : Ens/Mag 1
Composantes : V, G, F
Temps d’incantation : 1 action simple
Portée : contact
Cible : créature touchée
Durée : 1 heure/niveau (T)
Jet de sauvegarde : Volonté, annule (inoffensif)
Résistance à la magie : non
Armure de mage entoure le sujet d’un champ de force invisible mais tangible, qui lui confère un bonus d’armure
de +4 à la CA. Contrairement à une armure normale, une armure de mage ne s’accompagne pas de pénalité
d’armure, de risque d’échec des sorts profanes ou de réduction de la vitesse de déplacement. De plus, comme
cette protection est constituée de force, les créatures intangibles sont incapables de passer au travers, comme
elles le font pour les armures physiques.
Focaliseur : morceau de cuir tanné.

Shlagrabak :
Discrétion : 12 + 3 = 15
Détection : 16 +4 = 20

Arakeniesh : Morsure (Fièvre des marais DD12), Charge (CA réduite à 16 jusqu'à son prochain tour)
Jet d'attaque : 16 + 7 + 2 (Charge) = 25
Dégats (le cas échéant) : 4}

Le jeteur de sorts fronça les sourcils fort en voyant tomber à l'eau un tout récent plan. Sans armure de métal pas de substrat à son maléfice fatal. Tant pis, il avait bien d'autres idées pour faire une misère de leur vie, ces deux compères impunis. De sa ceinture il dénoua une mystérieuse bourse remplie d'on ne savait quoi et discrètement s'approcha d'un de ces malfrats, celui qu'Arakeniesh n'attaquait pas. Il avançait bas, tel un scorpion, plus que jamais voûté et les genoux à demi-pliés, arborant un rictus à ses lèvres accroché et un air détestablement sournois. Lorsqu'il ne fut plus à quelques pas de la victime de son choix, sa sacoche de toute ses forces il lança et les yeux écarquillés, d'une voix hargneuse s'écria :

« Prend-ça, pourfendeur de cancrelats ! »

Sa visée laissait grandement à désirer, et même à trois mètres de sa cible il était bien capable de rater. Mais voici la nature du contenu de son projectile : il s'agissait d'une colle, une autre de ses concoctions volatiles à base d'extrait de sols, qui durcissait à l'air quelques secondes après la rupture à l'impact de son contenant frivole. Ainsi la victime éclaboussée s'en retrouvait piégée dans un empois infect, parfois même clouée au sol par la même. "Mais quelle situation abjecte !" se disait Shlagrabak.

Le compagnon hirsute du gobelin, toujours sifflant et grognant, se remit sur pattes et à l'instinct s'élança intrépide un instant plus tard sur l'infâme factionnaire qu'était son adversaire.

{Arakeniesh :
Jet d'attaque : 2 + 7 = 9
Dégâts (pour la forme ...) : 2

Shlagrabak : Jette sacoche immobilisante (contact à distance)
Jet d'attaque : 9 + 3 = 12

Sacoche immobilisante. Cette sacoche sphérique est pleine d’une substance gluante obtenue par alchimie. Elle se lance comme une arme à impact. Le personnage doit effectuer une attaque de contact à distance avec un facteur de portée de 3 mètres. En cas de coup au but, le tissu se déchire et la colle recouvre la victime, durcissant immédiatement au contact de l’air. La créature enchevêtrée subit un malus de –2 aux jets d’attaque et un autre de –4 à sa Dextérité effective. Si elle rate un jet de Réflexes (DD 15), elle est également collée au sol et incapable de bouger. Même en cas de succès, sa vitesse de déplacement est réduite de moitié. Une créature de taille TG ou plus grande n’est pas affectée par une sacoche immobilisante. Une créature volante n’est pas collée au sol, mais doit réussir un jet de Réflexes de DD 15 pour continuer à voler (à condition qu’elle doive battre des ailes pour voler), sous peine de chuter immédiatement. Une sacoche immobilisante ne fonctionne pas sous l’eau.
Une créature collée au sol (ou incapable de voler) peut se libérer en réussissant un test de Force (DD 17) ou en infligeant 15 points de dégâts à la glu à l’aide d’une arme tranchante. Il n’a pas besoin de jouer de jet d’attaque (pas plus qu’un compagnon l’assistant) : il touche automatiquement, et il faut préciser la quantité de colle qu’il ôte à chaque fois en déterminant les dégâts. Une fois libéré, le personnage peut se déplacer à vitesse réduite de moitié. Un jeteur de sorts immobilisé par la glu doit réussir un test de Concentration (DD 15) chaque fois qu’il désire faire appel à sa magie. La colle devient friable au bout de 2d4 rounds, s’effrite et perd toute efficacité. Une application du solvant universel dissout la colle instantanément et libère la créature.}

Et un autre plan maléfique réussi, à quelques fioritures près ! Négligeables ennuis, si l'on en croyait l'attitude du dernier porteur de couperet, qui tentait de fuir sans prendre l'ombre d'un arrêt. Toutefois, est-ce-que la monture le permettrait ? Partie comme elle était, une fois libérée, elle allait tout dévorer, y compris notre gobelin des forêts qui aurait beau courir aussi vite qu'un goret, il ne serait pas de taille à courser pareille canaille, et il pourrait bien être sa prochaine ripaille !
"Par mes mycoses", pensait-il, "pour cause de cette situation pas très rose, Shalagrabak tu as interêt de trouver quelque chose !"
Qu'avait-il en réserve ? Philtre d'amour, sort de décryptage pour sourd, huile de foie de vautour ... Non, non ! Comment diable pouvait-on espérer avec si peu se débarrasser d'un tel balourd ?
Et le satyre qui s'était empêtré dans la glu ! Pas foutu de faire attention à son cul, cet hurluberlu ! Une minute ... de la glu ? Oui ! Il lui en restait ! Il en sortit vivement un autre sachet, si vivement qu'il se mit presque à jongler pour le rattraper, en passant, et sans plus attendre l'air se mit à fendre en exécutant un formidable pas d'élan avant de relâcher l'objet de son lancer avec toute la grâce d'un goéland. Mais il ne visait pas le fuyard agile, maigre et en mouvement, c'était là une entreprise bien trop difficile. Sa cible était la monture enchaînée, non docile mais néanmoins pas fortement amovible, du moins tant que son cavalier détachée ne l'ait.

{Shlagrabak : Jette sacoche immobilisante (contact à distance)
Jet d'attaque : 18 + 3 = 21}