L´Auberge Anonyme

Les humains, c´est vraiment de la merde, pensa Kor´Yphé en louvoyant pour éviter la sordide projection du pot de commodité d´un bourgeois quelconque. La femme à ses côtés n´eut pas les même réflexes, et la rue fut bientôt trop animée pour qu´on s´intéresse à un homme serpent aux couleurs bariolée.

Il était déjà venu ici, il y a de cela quelques mois déjà, à la recherche de cartes et d´informations, et ses supérieurs l´avait envoyé de nouveaux dans ce trou à rat pour parler avec le chef de ces imbéciles vermines rampantes que sont les humains. Au moins, ils ont bon goût, moins que les elfes mais meilleurs que les nains. Et puis, ils sont nombreux, deux ou trois qui disparaissent, ca ne se remarque pas trop, sauf s´il est noble. Il sourit à cette pensée, Je me demande comment ils réagiraient si leur roi mourrait. Comme des fourmis je suppose, de grosses fourmis roses.

On ne l´avait pas envoyé ici pour rien cependant. En tant que membre d´une des plus redoutables sectes d´assassin que le multivers ait connu (bon, il était encore novice, mais n´empêche), il avait pour mission de prendre contact avec un certain, heu… De toute façon, ils ont des noms imprononçables. Bref, un envoyé du Comte Casmir de Gwas, l´homme le plus puissant des 7 Duchés, aux armées entraînées et équipées, à l´ambition démesurée et aux secrets ayant eux même des secrets. Pas pour nous en tout cas, songea le Yuan-Ti, mais bon, c´est un client et il paie bien. D´après ce que ses maîtres lui avaient dit, Casmir avait quelques soucis avec ses voisins directs, le baron d´Adoawia et le duc d´Oleath. De toute facon, on va m´expliquer tout ca je suppose, je suis arrivé.

C´était vrai, après avoir demandé gentiment son chemin puis s´être offert un en cas frugal (les enfants ne sont pas très nourrissants), il se trouvait devant une insigne miteuse, à la peinture fanée depuis longtemps, son enseigne désormais vierge de tout dessin, ce qui lui avait valu le surnom de « l´Auberge Anonyme ». Un bon point de rendez vous, se dit il en passant la porte.

La taverne était bondée. La bruit et la fumée emplissaient les moindres recoins de la salle éclairée partiellement par des torchères suspendues aux murs. Devant Kor'Yphé des tables éparses parsemainent l'espace jusqu'au bar, au fond, duquel partaient les serveuses vêtues légèrement. Le tenancier se tenait derrière a remplir verres et pichets. Il semblait ne jamais lâcher la bouteille qu'il avait en main mais elle changeait constamment de forme et de couleur.

Va voir le tenancier et commande lui une bière du désert. Il t'indiquera le client,lui avait-on dit

C'est donc d'un ondoiement décidé que l'homme-serpent s’avança dans la taverne. Certains hommes attablés levèrent la tête devant cette étrange apparition, mais replongèrent rapidement le nez dans leur chopine, indifférent au monde extérieur.

L´alcool, c´est vraiment super, un peu de bière et hop, les voilà endormis ou abrutis pour une nuit. Louvoyant à travers les tables bondées, évitant les pulpeuses serveuses, il se dirigea droit vers le comptoir, tout en restant méfiant. Après tout, comment faire confiance à quelqu´un qui engage des assassins ?

Surmontant sa xénophobie, il arriva devant le patron sans soucis et rassembla toutes ses forces pour être courtois, poli et surtout avoir l´air d´un parfait idiot

Remarque, c´est la partie la moins difficile, les humains n´aiment pas les couleurs, soupira t´il. Cette bouteille polymorphe le fascinait, si seulement lui aussi pouvait se métamorphoser à volonté, plus besoin d´être discret, de savoir se camoufler, de sans arrêt chercher à éviter le danger. Il connaissait un clan rival dont les membres pouvaient prendre la forme de plusieurs animaux, pratique pour voyager mais alors pour tuer…

…ose à boire ?

Cela étant dit, ce n´était pas mieux que ce gros Yuan-Ti rouge qui pouvait faire des armes à partir de papier. Ca c´était la classe, tout en origami, mais ca demandait un peu de magie, et il en serait bien incapable.

….nd j´te parle !?

De toute facon, rien ne vaut un bon étranglement, au moins c´est propre, pas de sang, pas de bruit de ferraille, et ca vous laisse le temps de murmurer à l´oreille de la victime. Des fois, on entend même le son des vertèbres qui craquent. Comme des brindilles dans un feu, la chaleur du foyer, le confort d´être chez soi. Oui, il aimait beaucoup ce bruit.

PUTAIN TU M´REPOND QAUND J´CAUSE OU TU VA T´EN BOUFFER UNE !!!

Dites, sssssoyez poli sss´il vous plaît, répondit il au tavernier

Je vais te montrer la politesse de mon poing dans ta gueule si tu consommes pas tout de suite

Les bipèdes, plus c´est gros et plus ca gueule fort, pensa t´il. C´est comme les cochons quand on les égorge. Excussez moi, je ne vous avais pas entendu. Je prendrai volontier une bière du désert.

Le tenancier posa sa bouteille et en pris une autre sans regarder ce que ses mains faisaient et si rapidement que l'oeil avait du mal a suivre sa main.

Son visage s'était aplati comme une voile se dégonfle soudain et son regard se fit dur et glacial.

Derrière fit-il avec un mouvement de la tête en direction d'une porte-rideau à coté du bar.

Et sans regarder si l'homme-serpent avait compris il était déjà parti servir les commandes ramenées par ses serveuses.

Ca a au moins le mérite d´être court. Le serpent sinua derrière le comptoir, notant discrètement où le tavernier avait rangé sa bouteille. Je me demande comment on fait une bière dans un désert, avec du lait fermenté ? Il frissonna à cette pensée. Du lait, comment peut on boire quelque chose issu de son propre corps ? Ce serait comme boire de la sueur ou… Et pourtant ils ont bon goût.

Il écarta la tenture, mais ne passa pas la tête tout de suite. S´il devait éliminer quelqu´un, l´arrière boutique d´une auberge miteuse serait un assez bon endroit. Cela étant dit, on l´avait convoqué, et ses maîtres eux même avaient arrangé l´affaire. Et puis, craindre un coup tordu de ces pathétiques humains serait faire preuve d´une grande lâcheté. Mieux vaut un lâche vivant qu´un héros mort cependant, et il n´y a pas de mal à être prudent.. Jetant un dernier coup d´œil dans la salle enfumée, il entra.

Il n'eut pas le temps d'écarter le rideau que celui s'ouvrir et laissa passer un enfant en pleurs marchant bizarrement, de travers. Celui-ci alla se jeter dans les bras du tavernier. Surement son père, pensa le serpent, est-ce que père et fils ont le même goût ? Il va falloir que j'essaye ... Tout à ses pensées culinaires, il franchit le seuil de la porte. En le voyant entrer, deux gardes se précipitèrent a sa rencontre et lui barrèrent le chemin. Un homme remontait vivement son pantalon derrière eux, laissant entrevoir de jolies fesses bien roses et imberbes. J'y croquerait bien dedans pensa Kor'Yphé. Se retournant, le curieux personnage remarqua la présence du Yuan-Ti et dit a ses gardes de le laisser passer.

Qu'avons nous là ? Vous êtes l'envoyé de la guilde ? Je vous pensait plus ... plus ... Enfin bref venez par ici, des oreilles indiscrètes pourraient nous entendre.

D'un geste plein de grâce et de douceur, il fit signe de sa main manucurée et ornée de bagues au serpent de s’asseoir sur le tabouret en face de lui.

Les humains sont vraiment dégoutants, et celui là en particulier. Traiter ainsi un enfant… Il s´installa en face du pédophile, mais pas sur le tabouret, car comment voulez vous faire assoir un serpent ? Il se lova plutôt devant l´humain parfumé et compta le nombre de bagues. 8, mais qu´est ce que ca veut dire ? Aucun intérêt de toute facon.

Sssalutations humain, je sssuis issi selon votre demande, et sssi vous me permettez de vous retourner le compliment, je vous imaginais moins…moins.... A votre avis, de qui les gens ssse méfieront le plus, du tueur enveloppé de noir ou du guignol bariolé ? Dites moi plutôt ssse que vous attendez de moi, sssela vous empêchera de vous couvrir de ridicule. Et j´essspère que vos gardes sssont dignes de confiance, je ne voudrais pas me jeter dans un traquenard parssse que ssi ss´est le cas, vous ne vivrez pas asssssez longtemps pour en profiter. Mais veillez m´excusser, je vous écoute.

Il faisait chaud ici, très chaud, cette petite pièce, un simili d´arrière boutique, contenait deux gardes au physique sculptural, un noble adipeux et couvert de soies et de satin, et un assassin yuan-ti de plusieurs mètres.

Si quelqu´un pète, c´est la mort par asphyxie. songea Kor´Yphé

L´avantage d´être assassin, c´est que les missions sont toujours limpides et claires , songea le Yuan-ti. Il se déroula donc et ondula vers la sortie, fut frappé une nouvelle fois par la fumée et le bruit des discussions de la grande salle et sortit de la taverne sans demander son reste.

Le duché d´Oleath était mitoyen à celui-ci, il devait bien y avoir un moyen de s´y rendre. Pas question de louer un cheval, de toute façon, il ne pouvait pas monter dessus, et puis ces bêtes imbéciles avaient peur des serpents, même des gros. Il préférait de loin « marcher », il allait moins vite mais ca lui laissait le temps de réfléchir, et puis il n´avait pas à souffrir la compagnie d´autres personnes.

Mais je dois me rendre au plus vite auprès de ce Duc, mon temps est compté. Voyons voir vers le marché, peut être quelqu´un pourra t´il me transporter.

Hélas, peut être à cause de son apparence, de son manque d´éloquence ou tout simplement la faute à pas de chance, aucun forain ne prenait son chemin ou ne l´acceptait parmi les siens. Son dernier espoir se reposait sur une troupe de cirque qui montrait entre autre un troll blanc rayé de noir, où peut être l´inverse, un cul de jatte à six bras et un cracheur de sable. Il s´adressa au chef des saltimbanques, un halfelin malingre, et lui demanda s´il acceptait de l´emmener jusqu´au duché d´Oleath, et que s´il voulait, il pouvait payer sa traversée.

Sssependant attensssion, je ne ssuis pas une bête de foire, je ne monterai pas sur les planches pour amuser la galerie, je ne ferai pas partie de votre spectacle moisi. Je veux jussste être transporté jusqu´en Oleath, avec rapidité et célérité, point final.

Peu impressionné par la taille de Kor'Yphé, le petit hafelin cracha par terre, et remit en bouche ce qui ressemblait a un petit morceau de bois enflammé :

T'as de quoi payer ? Le voyage jusqu'a Oleath nous prendra quatre jours, après jusqu'à la capitale ça fera deux journées de plus. Ça nous fait 6 jours. Disons une pièce d'or par jour pour la nourriture, ça nous fait 4 pièces d'or, dit-il en comptant sur ses doigts, ensuite il vous faut une place dans un chariot, ça vous fera 1 pièce d'or les 6 jours et 1 pièce d'or pour dormir dans un chariot. Ce qui nous fait un total de 6 pièces d'or. Mais attention, je ne veux pas de fainéants, vous aidez à la préparation du campement, et au montage des décors. Vous pourriez aussi servir de videurs, votre carrure dissuadera les éventuels resquilleurs ... pensa-t-il tout haut. Alors vous en dites quoi ?

Il rajouta :

Les 6 pièces d'or sont payables d'avance.

Le but n'est pas de faire mal, mais de dissuader, sinon comment tu voudrais que les gens nous acceptent dans leur village ? répondit-il d'un cracha fumeux. Je m'appelle Ellax, et nous partons sous peu, si tu veux bien te donner la peine, mon ami ... ? demanda-t-il.

Je ne sssssuuuissss pas ton ami lui répondit le serpent. Et on m'appelle Bob.

Ellax jeta son bâton, attendit que le serpent ai fini de s'installer et aida aux derniers préparatifs du départ. Sur ordre du chef de caravane, leur petite caravane se mit en branle.

Il ne rencontrèrent aucun ennuis sur la route, sûrement grâce à la présence dissuasive de Kor'Yphé. Le jours ils traçaient leur chemin sous les encouragements d'Ellax et le soir ils formaient un camp en dehors de petits villages dans lesquels ils donnaient spectacle. Leurs numéros n'étaient pas fameux, mais rattrapés par la présence du troll, qui attirait tous les regards. Entre le troll et le serpent, les villageois, n'eurent autre choix de payer et aucun resquilleur ne se fit voir. Lorsque l'heure de la soupe sonnait, ils avaient principalement des légumes dans l'assiette, la viande étant chère, ce qui n'était pas du goût de Kor'Yphé. Enfin, il fit avec. Au bout du 6éme jour de voyage ils arrivèrent en vue de la cité ducale d'Oleath et de la grosse queue qui s'était formée devant ses portes. Ils prirent donc leur mal en patience et commencèrent a attendre.

Est sssse que quelqu´un peut me dire pourquoi il y a autant de monde ?? Ssss´est la kermesse annuelle, la foire du trône, les réjouissssansses printanières ?

Kor´Yphé était bougon. Tout au long du trajet, les badauds l´avaient pris pour une attraction, les membres du groupe l´aimaient bien parce qu´il était comme eux, bariolé et ridicule, honni de tous et rejeté. Et il avait faim. FAIM. 6 jours à manger des légumes bouillis dans de l´eau croupie, ca avait le don de vous mettre les nerfs en pelotte. Cependant, il fallait le reconnaître, il était moins voyant entouré de clowns que seul sur la route. Je fais moins tâche se disait il amèrement. Pas étonnant que les assassins soient aussi impitoyables, quand on sait ce qu´ils ont dû endurer pour atteindre leur cible, il faut bien qu´ils se lâchent à un moment ou à un autre.

Pourtant, malgré son ventre gargouillant, il avait bien aimé ce voyage. Il avait vu de nouveaux paysages, des arbres énormes (il aimait bien les arbres d´ici, ils sont grands, fort et verts, mais contrairement aux orques, ils ne disent pas n´importe quoi), et le troll était marrant. Lui aussi se plaignait de l´ordinaire, et lui aussi mangeait volontiers autre chose que du gibier, et contrairement à ce que les autres pensaient de lui, il avait le dialogue facile.

Le méyeur sé lé elfs, tu pe lé farcir avec dé pômeux, lui avait il confié. Il faudra essayer.

En fin de compte, Le Yuan-Ti s´aperçut qu´il avait plus d´affinités avec les grandes créatures (ou en tut cas, les trolls) que celles faisant moins de 2m50 de haut, à l´exception des petites filles qu´il trouvait gentilles et dignes d´affection. Il faut dire pour sa défense qu´il n´en connaissait pas beaucoup, et que la seule qu´il ai côtoyée était très mature.

Quoiqu´il en soit, il prit son mal en patience et se demanda si cuire un chevalier dans son armure améliorait le goût. De toute facon, il fallait d´abord le vaincre le chevalier.

Je sais pas, lui répondit Ellax en crachant par terre, en tout cas, c'est une occase en or pour faire de la pub ! Allez bougez-vous faites quelques pitreries, quelques tours, histoire d’appâter les clients.

Et la troupe se sépara en deux, l'une moitié pour faire avancer les chariots au ralenti, l'autre se dispersa le long de la colonne pour donner une aperçu de leur spectacle.

Après deux heures, ils revinrent tous, lorsque les chariots s'approchèrent des portes.

Stop, s'exclama le garde en faction, je vous prie de bien vouloir descendre de votre chariot, nous allons procéder à une fouille minutieuse. Allez voir mon collègue, là-bas, remettez lui toutes vos armes, j'ai bien dis toutes, et répondez à ses questions, en désignant un garde assit, encadré de quatre de ses autres gardes. Un nain était justement en train de récupérer ses armes, en tendant un parchemin, qui avait l'air des plus officiel, pour repartir en direction du château, et non pas en dehors de la ville ... Étonnant.

Kor'Yphé s'approcha du garde assit en compagnie d'Ellax.

Déclinez identité, profession et le but de votre venue en ces murs, déclara le garde assit.

Je m'appelle Ellax, je suis un itinérant du spectacle avec mon cirque, nous nous déplaçons de villes en villages pour prodiguer rires et amusements.

Très bien, répondit le garde en griffonnant des pattes de mouche sur une feuille en papier déjà bien remplie. Et vous, continua-t-il en désignant le serpent de sa plume.

Vous pouvez m´appeler Bob, je ssssuis un prêtre en novissiat de la déesse Meershaulk et je me rends en pèlerinage de temple en temple pour y trouver la forssse néssessaire pour exercer mon dogme. J´ai accompagné ssses gens sur la route car mon pauvre corps sssouffre mal l´effort et il m´ont aimablement transsporté ici. Ce mensonge éhonté était en partie vrai. Depuis le temps qu´il servait ce boniment, il avait visité au moins fictivement suffisamment de lieux occultes pour prétendre à un début de sacerdoce, et Meershaulk était vraiment la déesse de son peuple, pour ce que les ninjas s´en souciaient.

Dites moi, que ssse passse t´il ici, pourquoi toute sssette agitation ? Y aurait-il une fête, une exécussion ? Et pourquoi les armes sssont elles interdites, sss´est une sage mesure mais elle me surprend un peu. Je viens de voir un nain en prendre et retourner en ville. Y aurait-il une dérogasssion pour certains citoyens ? Comptez-vous le bâton de marche comme une arme ? Vous n´allez pas priver un être sssans jambe de son appui, mmmh ?

Le garde le toisa de haut en bas.

Nous savons tous qu'un bâton entre de mains expertes peut faire des dégâts, beaucoup de dégâts. La preuve en est que, pas plus tard que la semaine dernière, un assassin s'est introduit dans le château armé de tout un attirail d'armes, dont un bâton renforcé, dans l'intention de tuer notre bon seigneur. Il serait arrivé a tuer notre seigneur si celui-ci n'était pas entrain de fricoter avec un de ses servantes, dans sa chambrette. Au lieu de cela, il s'est retrouvé nez à nez avec la relève en sortant de la chambre. Les gardes ricanèrent en pensant à la tête que devait avoir l'assassin se retrouvant devant une troupe de gardes ... Vous pouvez encore voir son cadavre pendre au dessus des murs, continu-t-il le regard dur. Donc pas d'exception, même pour les bâtons, d'autant plus que vous avez l'air d'être un gaillard costaud, alors pas d'exception ! conclu-t-il d'un ton sec.

Les gardes autour de lui se tendirent imperceptiblement, se préparant à tout.

Et montrez-moi ce que vous transportez dans votre sac, tout doit être fouillé, ajouta-t-il en tendant la main.

Ellax, sentant que les choses se tendaient, posa docilement son sac sur la table, ainsi que la dague qu'il portait à la ceinture, puis recula pour laisser la place à ses comédiens.

Ssss´il sss´est fait choper, sss´est qu´il le méritait. Ssssse métier ne laissse guère de plassse aux amateurs. Mieux vaut tuer avec ssa tête que réfléchir avec ssses muscles. Et il commensssse à m´énerver ssse garde songea le serpent. Toutefois, c´est avec courtoisie, miel et hypocrisie qu´il reprit :

Votre zèle est remarquable, et votre prudenssse est louable, mais je vous prie ne fiez pas aux apparensses, je ne ssssuis qu´un modeste novissse. Voisssi cependant mon bâton, taillé en bois de fer, ainssssi que ma bourssse, qui contient tout ssse que j´ai.

Pendant que le garde plongeait la main dans la petite sacoche en cuir et en ressortait un coffret fort ouvragé, une gemme rouge carmin en forme de larme effilée grosse comme un poing ainsi qu´une gemme, Kor´Yphé lui présenta aussi une dague ornée.

Je sssais, sssa peut surprendre, mais je préfère voyager léger, et les bourses de sse type sont pour cela fort pratique. Par contre j´aimerais la récupérer, sssi ssela ne vous dérange pas, avec ssse qu´elle contient. Vous voyez il n´y a rien de malsain. Quand à la dague, elle me sert pour certains rituels, mais là encore rien de mortel. Et comme je suppose que les « armes » sont interdites en ville, j´aimerais savoir quand je pourrais récupérer mon bâton.

Il n´avait rien dit pour l´éventail plié, mais si on s´intéressait à ces menus détails, c´est que ce meurtrier amateur allait bien lui compliquait la tâche. Il a bien fait de mourir, parce que je m´en serais occupé moi-même, et il aurait regretté son incompétence.

Et en ce qui concerne le coffre, il est en ma garde et ma possession, et ne contient rien de dangereux, juste une plume, un anneau et quelques graines, quatre pour être exact, mais c´est personnel et j´y tiens beaucoup, et je veux les récupérer.

Il n´aimait pas du tout voir le garde fouiller dans ses effets, surtout ceux là. Ils l´accompagnaient depuis le Wall of Edge, son plan d´origine, et le coffre renfermait des objets dont il n´avait jamais osé se servir, ils étaient trop beau pour être utilisés, et si jamais l´humain faisait mine d´y toucher, c´est sûr il l´étripait, et tant pis pour les conséquences. Son cœur battait la chamade, et il devenait de plus en plus nerveux alors que le garde s´interrogeait sur le bois sculpté du petit coffre, son œil torve allant du Yan-Ti à la bourse, de la bourse à la dague, de la dague à l´écrin, pour revenir sur Kor´Yphé.

Oufff, cet humain inférieur n´allait pas poser ses mains impures et roses sur ce qu´il considérait de plus précieux. Bon, perdre son bâton l´embêtait un peu plus, mais après tout, ce n´est pas ce qui manque, surtout chez les gens coincés d´après ce qu´il avait entendu dire.

Sssi sssa peut vous rasssurer parvint il à articuler.

Il ouvrit alors son précieux coffret, dévoilant ainsi un anneau trop large pour un doigt humain, une plume scintillante parcourue d´étincelles, et une petite bourse de cuir contenant quatre gros glands en or. Devant l´œil concupiscent et avide du garde, il referma rapidement sa boîte à trésor, la rangea, et récupéra également les deux gemmes.

Voilà, vous avez vu,sssc´est joli, je ne vous ai pas menti, tout le monde est content. Alors vous me donnez mon ticket de retrait et je vous ssouhaite une bonne journée.

En tout cas, j´en connais un ou deux qui vont mourir pour avoir voulu voir ca. Il grava le visage du garde quelque part dans sa mémoire, afin de ne pas l´oublier. Et au fait, comment vous appelez vous brave homme ? Vous connaissez mon nom mais j´ignore tout du vôtre.

Le garde lui tendit son bon, que Kor'Yphé lui arrache presque des mains. D'un regard un peu surpris, il leva les yeux :

Ne vous inquiétez pas, même si ce n'est pas moi qui serait en poste, ce bon vous garantira de retrouver vos armes en état. Maintenant, dégagez, j'ai du monde qui attends sont tour à la porte.

Kor'Yphé fulminait, que dire ... il bouillonnait de rage et rêvait d'arracher la tête de ce garde. Mais prenant sur lui et se faisant la promesse de lui infliger mille tourments, il s'éloigna d'un ondoiement énervé. Les gens du cirque ne l'avaient pas attendus, et leurs chariots s'étaient déjà ébranlés, la cage du troll passant justement devant lui.

Il rentra enfin à la suite de la caravane dans la ville. Le château s'élevait au dessus de la ville, fortifié, ses fenêtres ouvertes sur le vides semblaient inaccessibles Pas pour moi, pensa le serpent.

Pousse toi de là entendit-il derrière lui. Il jeta un regard furieux au pauvre fermier venu vendre ses courgettes au marché, qui se ratatina sur son siège, et avança dans la rue principale qui montait vers le château. Il arriva sur la grand place où le cirque commençait à installer une scène. Le regard du serpent remarqua le chef du cirque en pleine discussion animée avec un petit bonhomme replet tenant une bourse ainsi qu'un gros livre ouvert. Un lorgnon pendait d'une de ses poches et son gros nez tressautait à chacune de ses phrases.

Plusieurs enseignes de bois pendaient dans le vide, signifiant la spécialité de l’artisan officiant dans la maison à laquelle était suspendue l'enseigne. Ici un forgeron reconnaissable, là un herboriste, ici une taverne, ... Les gens passaient autour de lui, sans faire attention en ce jour de marché, chacun allant à sa petite affaire, perdu dans la cohue. Les gens criaient, se parlaient dans un brouhaha convivial.

Laissant tomber ses compagnons forains, Kor´Yphé se dirigea vers l´auberge, non pas pour boire, l´alcool lui donnait mal à la tête, mais pour glaner quelques informations. Il ne perdit pas de temps en rond de queue et autre plaisanteries mais se dirigea droit vers le comptoir, non sans prêter attention aux clients actuels. Le tenancier posa son verre, drapa son chiffon sur son épaule et lui afficha son plus beau sourire.

-Que puis-je pour vous messire ?

-Une bière du désert, sssi vous en avez en stock. Dite moi, que ssse passe t´il en ville ? Pourquoi autant de monde ? Et j´aimerai me rendre aux temples, pouvez vous m´indiquer où ils sont ? Les dents gâtées de l´aubergiste lui firent reculer la tête. Si cet abruti continuait à se pencher comme ca, il allait le faire tomber c´est sûr.

Apercevant des soldats en permission, il enchaîna.

Et que pouvez vous me dire du château ? Tout au long de mes voyages, on n´a cessé de me vanter partout cette forteresse, réputée imprenable. Pourriez-vous m´en dire plus ? J´aime l´architecture.

Il sentait qu´il allait regretter cette dernière phrase, mais il fallait bien camoufler l´attrait pour ces hideuse choses que sont les châteaux forts.

L'aubergiste le regarda d'un oeil torve, et commença :

Une bière du désert ? Connais pas ... Je peux vous servir une bière des montagnes, brassée par des maître-brasseurs nains. Biière du désert, on connait pas ça par ici et on veut pas de ce truc de bougnoule.

Mais à l'évocation du château, son regard sembla s'éclairer :

Eh ! vous avez raison, c'est un beau château n'est ce pas ? Fier, dressé sur son roc, comme un phallus turgescent en plein coït ! Pas vrais les gars, en s'adressant aux gardes attablés pas loin.

Et les gardes d'approuver bruyamment !

- Ouais !
- Il est imprenable notre château !
- Impossible d'y rentrer autrement que par la grande porte !
- Pas même une souris pourrait s'y faufiler sans qu'on le sache !
- Allez patron sers nous une autre tournée !
- Il est où ce nain ? Je veux mes tournées gratos !

Et des autres de renchérir, même s'il étaient déjà bien amochés.

Revenant au serpent, l'aubergiste continua :

Vous voyez ? Une telle situation et un moral de fer, ce château est imprenable ! Qu'ils y viennent avec leurs armées, essayer de nous voler nos mines ! Vous verrez ... faisant mine de donner des coups de poings dans le vide. Bon c'est pas tout ça, mais vous la prenez cette bière des montagnes ? j'ai pas que ça a faire.

Coinsssidence, moi non plus.

Il quitta alors l´auberge et son tenancier minable, ses soldats saouls et son alcool moisi. Ces abrutis était trop ivres pour qu´ils puissent le renseigner, et mieux valait ne pas attirer l´attention en posant trop de questions.

Ainsssi ils connaissent un nain , songea Kor´Yphé en se remémorant les dernières paroles d´un des gardes. Peut être est ssse le même que celui de tout à l´heure qui est venu récupérer ssses armes. Il peut aller dans la ssssité tout en étant armé, et les gardes l´ont déjà vu. Mmmmmh, peut être un des leurs.

Tout en réfléchissant, il dirigeait son corps sinueux vers le piton rocheux qui supportait le château.

Mais il leur a payé des coups à boire, persssonne ne fait ssa, sauf pour poser des questions, ou pour boire avec des amis, sssauf qu´on ne les quitte pas quand on est dans ssset état lá, et ils n´avaient pas l´air de connaître sssson nom. Il est donc nouveau issssi, mais il peut avoir des armes. Comment peut on être autorisé à faire ssse genre de chose en sssi peu de temps ?

Malgré son aspect, un serpent est extrêmement rapide, aussi se retrouva t´il rapidement devant une foule de gens, guerriers et autres porteurs d´épée qui se massait à l´entrée du château et que quelques gardes avaient bien du mal à canaliser. Une rapide question à un de ses voisins l´informa que le Duc avait récemment été la cible d´un assassinat, et qu´il engageait une équipe de choc pour veiller à sa sécurité rapprochée, ainsi que celle de sa fille.

Ssss´est bien ce que j´avais entendu dire, mais je ssssuis étonné de voir autant de monde posssstuler.

Hé, c´est parce que c´est super bien payé, et puis choper un assassin, c´est facile. Le plus dur, c´est de l´avoir vivant.

Sssûr , sussura le serpent. Et il attendit son tour.

L'attente commença. Le soleil avait déjà bien passé le zénith lorsque Kor'Yphé était entré dans la cité, et maintenant cette queue qui s'éternisait. J'en boufferais bien un ou deux pour aller plus vite, pensa le Yuan-Ti. Et comme en écho à ses pensées guerrières, une bagarre éclata non loin de là. Deux hommes, fatigués d'attendre et se marchant sur les pieds en étaient venus aux mains. La garde tardant à agir, un homme encarapaconné d'une armure noire, sans armes, mais portant comme le nain plus tôt un parchemin, qu'il rangea rapidement dans son haubert avant de s'approcher des deux lutteurs. Des paris avaient commencé a circuler :

- 10 qu'il lui éclate la mâchoire !
- 20 qu'il lui pète le nez !

L'homme arriva sur les lieux du combat, les pris, chacun dans une main, par la peau du coup et les souleva de terre. Le serpent ne put entendre ce qu'il leur dit, mais ça devait faire peur vu que les hommes blêmirent, il les relâcha et ils s'effondrèrent par terre. L'homme poursuivi donc sa route, les gens s'écartant sur son chemin. Les gardes arrivèrent enfin sur les lieux et encadrèrent les deux belligérants amorphes. Un autre garde s'approcha et leur murmura quelque chose à l'oreille. Lâchant leur fardeau,ils se relevèrent et crièrent :

- Le duc a formé sa milice ! Nous n'avons plus besoin de vous ! Rentrez chez vous ! Allez ! Du balais ! Rentrez chez vous !

Des grognements de mécontentements s'élevèrent un peu partout, et petit à petit les gens commencèrent à se disperser. Le serpent resta là, à regarder la porte du château se dégager, si proche et en même temps si lointaine. Il se retrouva bientôt seul devant la grande porte. Un garde s'approcha :

- Qu'est ce tu fous encore là ? T'es sourd ou quoi ? On n'a plus besoin de toi ! Allez ! Dégage !

Et sss´est là que vous faites erreur. Il recula un peu pour éviter les coups de lance. Je ne suis pas issssi pour posstuler à un quelconque emploi de garde du corps. Je viens postuler pour un emploi dans le château. Avec la fête qui sssse prépare en ville, il va sssertainement y avoir de nombreuses persssonalités venues asssisster aux réjouissances, et donc un surplus de travail. Une paire de bras ssuplémentaire ne ssaurait être de trop. Je sssais cuisiner, jongler, tendre des draps et bien d´autres choses. Ne vous fiez pas à mon apparence, ces couleurs grotesques me permettent de passer pour un bouffon sans user de maquillage. Y a t´il une place pour moi ?